10/09/08
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Restiform Bodies, point de ralliement entre influences hip hop, pop, et new wave, colle on ne peut plus à la marque de fabrique Anticon. Ni plus ni moins considérés comme des démos aujourd’hui, deux albums obscurs mais remarqués ont vu le jour en ce début de vingt et unième siècle, sans pourtant qu’ils ne soient tamponnés de cette fourmi noire, gage de qualité de l’époque que le groupe d’Oakland défendait pourtant haut et fort. Ainsi, depuis leur dernière sortie officielle en 2001, sept ans sont passés, pendant lesquels Telephone Jim Jesus, Bomarr et Passage, les trois bodies, y sont allés de leurs projets solo. De quoi enfoncer le clou et s’ouvrir en grand les portes du label d’Oakland pour enfin lancer sérieusement leur carrière collective avec «TV Loves You Back», un nouvel album réparant l’injustice d’être resté trop longtemps dans l’ombre des Sole, Dose One & Co…
D’autant que ce nouvel opus ne manquera pas de satisfaire les nostalgiques des premières années Anticon (l’excellent et ultra efficace «Panic Shopper»), quand la clique californienne ne cherchait pas à renouveler en vain un hip hop marginal essoufflé, et qu’elle ne divaguait pas ainsi vers des sonorités moins familières. Ici, Restiform Bodies rappelle plutôt à une poignée d’artistes, en telle quête de personnalité qu’ils s’y perdent parfois, qu’il vaut mieux rester à ce qu’on sait faire de mieux. Et le faire bien. Ainsi, incontestablement, c’est sur un hip pop de grande classe, et aux basses piquées à la ghettotech, que les trois se sont focalisés, en soignant une production qui souligne clairement toute la maturité gagnée ces dernières années.
Et les exemples sont nombreux tout au long de «TV Loves You Back». «Black Friday» renoue avec ce hip hop aiguisé, sombre et dense, quelque peu torturé et électrique, sur lequel Passage alterne flow et chant, que ce soit sur des envolées drum n’bass ou des couplets à l’atmosphère plus plombée. RB ouvre ainsi un bal aussi maîtrisé qu’inspiré, qui ne cessera de faire bonne impression, que ce soit sur «Foul» et sa RnB alternative, sur l’electro gothique «A Pimp-Like God», ou sur «Bobby Trendy Addendum» qu’El-P n’aurait pas renié si lui aussi osait de telles consonances eighties sur ses refrains. Mais Passage, loin d’avoir tout dit, va plus loin encore, surprend, comme lorsqu’il s’écarte radicalement de son registre sur «Opulent Soul» en prenant des aises de crooner digital inédites chez lui.
Pour ce premier pas tardif dans le grand bain, Restiform Bodies passe donc haut la main l’examen de passage avec un «TV Loves You Back» cohérent. La musique, comme le propos accusant le confort moderne d’être responsable du chaos actuel, parviennent systématiquement à s’équilibrer, et rattraper les petits défauts de l’autre. Du coup, on regoûte aux plaisirs du passé tout en écoutant un disque s’inscrivant résolument dans son époque. Incontournable sauf si, pour vous, il n’y a pas de hip hop au-delà de Snoop Dogg et 50 Cent…
Matthieu
06/10/2008
Source: Bokson